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Un pain du monde : le pain ouzbek

Le pain ouzbek : un pain du monde. Un boulanger dans la vallée de Fergana.

En Ouzbékistan, le pain c’est un art. Qui remplit d’aise les yeux, le cœur et l’estomac. Du nord au sud, d’est en ouest, chaque région a son pain. Renflé comme celui de Tachkent, arrondi comme celui de Samarcande qui ressemble à un gigantesque bagel, ou aplati comme celui de la vallée de Fergana, mais toujours décoré. Les hommes le pétrissent, les femmes le vendent sur les marchés où leur couleur dorée et leurs décorations attirent les chalands.
Dans les échoppes, on cuit encore le pain au feu de bois dans des fours en terre, les tandyrs (ou tandoor). La recette est simple comme celle de n'importe quel pain du monde : on prépare la veille au soir une pâte au levain qu’on laisse reposer toute la nuit, au matin, on partage cette pâte en petits tas que l’on pétrit en leur donnant la forme ronde d’une galette. Ensuite on aplatit le fond de cette galette pour l’empêcher de se soulever et on décore le pain en donnant des petits coups avec une sorte de tampon, un petit instrument au manche de bois terminé par des clous pointus, qui imprimeront fleurs et arabesques sur la pâte, puis on sème quelques graines de sésame ou de nigelle. Pour finir on badigeonne au jaune d’œuf et on ajoute un coup d’huile au pinceau, ce qui donnera au pain sa coloration dorée. Et on colle tout cela sur le mur d’un four préalablement chauffé. La cuisson de ce pain du monde dure entre 10 et 20 minutes selon l’épaisseur de la galette.

Un pain du monde : le pain ouzbek. Vendeuse de pain dans la vallée de Fergana

Dans ce pays, le pain c’est sacré et il constitue toujours une base de l’alimentation, fait l’objet d’un rituel et de nombreuses anecdotes. D’abord, il ne faut pas le couper avec un couteau. On le rompt, avec tout ce que cela implique de symbolique de partage. Brisé, il est déposé au centre de la table où tous peuvent se servir. On le présente souvent avec le thé et il accompagne à merveille une cuisine plutôt grasse comme le plov (riz pilaf avec des morceaux de viande de mouton). Il ne faut pas poser le morceau de pain à l’envers, car c’est considéré comme un signe d’irrespect. Lors d’une cérémonie de mariage, ce sont les parents qui rompent le pain avant de le mettre sur la table des jeunes mariés. La coutume veut également que la personne qui part pour un long voyage morde dans le pain et laisse derrière lui un morceau de la galette qu’il retrouvera en rentrant.
De nombreuses histoires et légendes courent sur ce pain,célèbre parmi tous les pains du monde. L’une d’elles raconte que le khan de Khiva, Moukhamad Rakhimkhon Ferouz avait l’habitude de se promener à cheval en ville et que ses sujets se prosternaient à son passage. Or, une fois, une femme qui garnissait son four à pain l’ignora complètement. « Que fait-elle donc », demanda le Khan à un courtisan ? « Elle fait les galettes », lui répondit ce dernier. « Mais enfin, rétorqua le noble indigné,  qu’est-ce qui est le plus important, le Khan ou le pain ? ». « Le pain, mon Chah, répondit le serviteur, car le pays peut vivre sans le Khan, mais non sans le pain ». L’histoire veut que le Khan, toujours fâché, donna un coup de fouet à son cheval et poursuivit son chemin sans commentaire.
Vraie ou fausse, l’anecdote ne fait que souligner l’importance que le pain revêt dans la vie quotidienne des habitants de l’Ouzbékistan.
Hélène Despic