Si la Bulgarie et les Bulgares actuels doivent leur nom à un peuple venu d’Asie, leur territoire n’en a pas moins été habité entre le 5e millénaire avant notre ère et le début de celle-ci par un
peuple mystérieux à la langue indéchiffrée qui lui a légué un trésor inestimable fait de monuments funéraires, de fresques et d’objets travaillés en or. L’histoire de ce peuple, les
Thraces, dont on retrouve la première mention dans les œuvres d’Hérodote et d’Homère, passionne aujourd’hui le pays entier, de l’archéologue à l’homme de la rue.
La Thrace était la région d’Europe partagée aujourd’hui entre la Grèce du Nord-est (Thrace occidentale), la Turquie européenne (Thrace orientale) et la Bulgarie méridionale (Thrace du Nord ou
Haute Thrace). Mais à l’époque antique, ce territoire était bien plus grand, s’étendant jusqu’au Dniepr en Ukraine et incluant les territoires de la Roumanie, la Moldavie, ainsi qu’une partie de
l’ex-Yougoslavie.
Ce sont leurs monuments funéraires découverts dans de nombreuses parties du pays qui nous racontent aujourd’hui ce que furent ces Thraces avant qu’ils ne finissent par s’hélléniser au contact de
leur puissant voisin grec (à partir du 7e siècle avant notre ère) puis de se romaniser, entre le 1er siècle avant notre ère et le premier siècle de notre ère. Ces tombes, recouvertes de tumuli de
terre, sont longtemps restées inexplorées. On peut encore apercevoir de nombreux monticules laissés en l’état en attendant que les archéologues y prêtent attention. Car l’étude de cette
civilisation antique a moins d’un siècle.
On sait des Thraces qu’ils vivaient en tribus, chacune ayant à sa tête un roi-dieu, qui vivait dans des lieux fortifiés. Leurs sujets étaient agriculteurs ou éleveurs, bon cavaliers et bons
guerriers. Les rois thraces invitaient les élites locales à de nombreux banquets, ce qui expliquerait l’abondance de vaisselle découverte dans leurs nécropoles. Ils ont laissé un véritable trésor
fait de vaisselle et de bijoux en or, qui démontre l’ancienneté de l’orfèvrerie dans cette région d’Europe. Les Thraces connaissaient l’or depuis 4.500 avant notre ère. Ils
ont exploité l’or du mont Pangée pendant des siècles, la culmination de l’art de l’orfèvrerie et de l’argenterie datant des Ve à IIIe siècle avant notre ère. Leur obsession de l’or aurait pour
origine leur adoration du soleil, qui devait leur permettre d’accéder à l’immortalité.
La plupart des découvertes sont récentes. Le tombeau de Kazanlak, le mieux conservé avec ses deux chambres et ses fresques, a été découvert en 1944, le trésor de Panagyurichté, tout en or,
en 1949, celui de Rogozen en 1986. En 2015, le Musée du Louvre consacra une exposition à "L’épopée des rois thraces" en se limitant aux œuvres datant de l’apogée de cette civilisation, à l’époque
des rois Odryses qui régnèrent sur la région pendant quelque 300 ans. C’est de cette période que datent les plus beaux produits de l’orfèvrerie locale. Malgré toutes ces découvertes, les
Thraces conserveront une bonne partie de leur mystère car ils n’avaient pas d’écriture, leurs premiers écrits, en grec, datant du VIe siècle avant notre ère.